Dans le cadre de notre série « La parole est à vous – Sie haben das Wort » EuroRekruter part à la rencontre de personnes actives sur l’axe France-Allemagne. Dans cette édition, Maureen Thumas, expatriée française en Allemagne, partage avec nous son expérience Outre-Rhin.
Pourriez-vous vous présenter brièvement ? Que faites-vous dans la vie ?
Pour résumer, on peut dire que j’aide une entreprise allemande, Petromax GmbH, à se faire connaître sur le marché français, et à l’étranger en général. Du marketing international, en somme. Avant cela, j’ai eu un parcours universitaire assez classique : une licence d’aménagement du territoire puis une école de commerce (Grenoble Ecole de Management). J’ai eu la chance d’habiter dans deux des plus belles régions de France, la Bretagne et les Alpes, avant de partir pour l’Allemagne à 24 ans.
D’où vient votre intérêt particulier pour les sujets franco-allemands ?
Je me suis installée en Allemagne un peu malgré moi, ou en tous cas sans savoir que du provisoire deviendrait permanent. Mon installation sur le long terme dans le pays s’est vraiment faite de fil en aiguille. De fait, mon intérêt sur les projets franco-allemands en est plus une conséquence que quelque chose de pro-actif. J’y vis donc les différences, je les repère, c’est tout.
Comment avez-vous appris à parler allemand ?
J’ai hérité de l’intérêt pour les langues de mon père, qui en parlait couramment cinq. Pour l’allemand, j’ai appris la grammaire à l’école, j’ai appris à structurer des phrases lors d’un séjour de quatre mois à Cologne, quand j’étais en seconde et j’ai enrichi mon vocabulaire derrière un comptoir de fromage, dans une grande surface de luxe en Allemagne. Et puis, je continuerai d’apprendre l’allemand toute ma vie. D’ailleurs, à l’écrit, j’ai encore de gros progrès à faire. Enfin, je pense, même si c’est très cliché de le dire, qu’avoir un conjoint allemand permet de bien booster son niveau.
Est-ce que vous avez vécu quelques « chocs culturels » lors de vos rencontres avec les Allemands/en Allemagne ?
On peut dire ça comme ça, j’ai même écrit un livre à ce sujet : Allemagne, je t’aime, un peu, beaucoup, passionnément. Une expat’ raconte. Cela étant dit, je n’aime pas trop le terme de “choc” culturel car il est associé à une idée de soudaineté. Pour moi, ça a plutôt été quelque chose dont j’ai pris conscience au fur et à mesure. En remarquant que les situations se répétaient et qu’elles étaient moins liées aux individus que je rencontrais qu’à la norme locale. Cette idée de toujours se référer aux termes de l’assurance ou de telle ou telle règle mise en place par telle ou telle administration. Le fait de les connaître si bien et sur le bout des doigts, et de s’en servir dans des débats au quotidien. « Ah non, tu ne peux pas grimper là tu n’es pas assurée ». « Ah si tu te gares là tu vas avoir des problèmes ce n’est pas conforme aux StVO (code de la route allemande) ».
A priori, Allemands et Français ont plus en commun qu’ils n’ont de divergence, mais quand on regarde de plus près, on s’aperçoit qu’il y a des différences dans les mentalités. Quelque part, je pense que les Français célèbrent plus la vie que les Allemands, qui ont tendance à se prendre très au sérieux. S’éloigner des règles, c’est souvent synonyme de problème, alors qu’en France, on détourne les règles pour contourner le problème. Après je ne peux parler que de mon expérience et de celle de mes proches.
Selon vous, y a-t-il un point en particulier pour lequel la France devrait s’inspirer de son voisin ?
Oui, mais c’est vrai dans les deux sens. Pourquoi n’y a-t-il pas (ou plus) de système de consigne en France, ou seulement de manière marginale. Une bouteille d’eau vide coûte 25 centimes en Allemagne, et tout le monde fait avec et a appris à s’organiser en fonction. A l’inverse, pourquoi est-ce que les rayons vracs sont-ils si peu développés en Allemagne ? Je n’ai pas encore vraiment trouvé la réponse mais c’est vrai qu’il y aurait un marché à structurer.
Puis les Français pourraient copier sur leurs voisins pour leurs horaires de travail qui ne sont pas à rallonge. On fait une pause déjeuner très courte et on rentre chez soi à des heures beaucoup plus vivables (en comparaison avec les horaires parisiens notamment). Et tout le monde est logé à la même enseigne. Même les responsables hiérarchiques peuvent quitter le travail à 16h30 sans être regardé de travers.
Comment est venue l’idée d’écrire un livre ?
Quand j’ai commencé à parler en allemand à mon chien, que je ne disais plus « aïe ! » mais « aua! », j’ai compris que mon intégration en Allemagne en était à un tournant. Que j’allais sans doute bientôt commencer à trouver normal tout ce qui avait pu au départ me paraître surprenant, voire déroutant. Je savais que l’on s’habitue à tout… même au pire. Alors j’ai voulu consigner tout ça par écrit. Et puis c’était aussi une façon de partager avec les Français une autre vision de l’Allemagne, et de la France, qui est idéalisée par les Allemands. On peut avoir tendance à le perdre de vue quand on est seulement entouré du marasme ambiant dans l’Hexagone. La France, ailleurs, fait rêver. Je me suis dit que c’était aussi un message à faire passer.
Quels sont vos projets d’avenir ?
Je voudrais me former dans plein de domaines, acquérir du savoir. Pouvoir le mettre à profit quand je rentrerai en France, dans une petite dizaine d’années. Avec mon mari allemand, nous nous sommes donnés cet horizon temporel avant de faire nos valises. Cela lui laisse du temps pour améliorer son niveau de français. Notre enfant aura passé assez de temps en Allemagne pour s’être imprégné de cette culture et c’est important pour nous qu’il s’imprègne au même titre de la culture française. Ce moment correspondra plus ou moins avec son entrée au collège.